Vendredi Noir
Les hordes excitées
accourent affamées,
trépignent et se répandent
se bousculent, impatientes,
s'entrechoquent, se piétinent,
envieuses et transpirantes...
Et les paniers se gorgent,
se goinfrent et s'alourdissent
débordent, surchargés,
et vont remplir les coffres
des hordes rassasiées,
écrasées sous le poids
de ce jour damné
déshumanisé...
Le "Black Friday".
vendredi 24 novembre An XVII.......
Peinture: La horde_Max Ernst (peintre allemand naturalisé américain puis français)
Grand-Père Inconnu
Je ranime ta flamme
Et je sens dans mon âme
Monter le chant sacré
Des orphelins de père
La plainte déchirée
Des femmes abandonnées
Victimes des patries
Obstinées assassines
Je ranime ta flamme
Et je sens que mon coeur
Se remplit de l'absence
D'un Grand-Père Inconnu
Du cri des sacrifiés
Qu'on s'applique à nommer
Nos chers disparus...
11 novembre An XVII.......Peinture: Les chemins de la gloire_1917_C.R.W. Nevinson (peintre anglais)
Les anges gardiens
Ce sont milliers d'étoiles
Comme de discrets falots
Ce sont milliers d'étoiles
Comme des milliers de mots
Perdus dans la poussière
Des nuées singulières
Des milliers de soupirs
Comme des respirations
Des milliers de soupirs
Des milliers de pardons
S'étirant dans le ciel
Des douces nuits fidèles
Des milliers de soleils
Comme de chaudes pensées
Des milliers de soleils
Des milliers de merveilles
Déchirant les nuages
Chassant les pluies d'orage
Des milliers de lumières
Comme des anges gardiens.
10 septembre An XVII.......Peinture: La nuit étoilée, Vincent Van Gogh
Aurevoir à André
Repentir
Il est des jours qui passent
Des mois et des années
Chacun laisse leur trace
Chaque instant est ancré.
Et puis il est un jour
Où le temps n'a plus d'âge
On retourne au passé
Défilant les images.
Il nous revient alors
Tout le temps écoulé
Tout ce qui nous fait tord
Tout ce qu'on a raté.
Alors on se repend
De rester en un sens
Un peu trop conciliant
Avec les absences...
3 juillet An XVII.......peinture: Portrait de femme, Kees van Dongen
Canicule
Dans la sueur collante
De la ville étouffée
Dans l'air irrespirable
Des rues carbonisées
Dans l'agonie muette
Des fleurs martyrisées
Dans la lourdeur des pas
Des passants écrasés
Dans le silence pesant
Des esprits baillonnés
Dans ma tête brûlante
Et mon corps dévasté
Dans le ciel qui se meurt
Dans la terre qui souffre
Dans la vie qui a mal
J'écris ton nom
21 juin An XVII.......Peinture: Ballon rouge, Paul Klee
Un matin de 1970...
Il m' en souvient, Madame, de ce matin lycéen de Terminale où vous nous avez réunis pour nous présenter ce film document qui devait me faire passer, définitivement, à l'âge adulte.
Il m'en souvient, Madame, de ce court présent où vous nous avez commenté, calmement, les foudroyantes images de votre long passé.
Il m'en souvient, Madame, de vos paroles sans colère, sans violence, sans haine, juste sincères, fermes et décidées.
Il m'en souvient, Madame, de votre petite silhouette énergique et sévère, que nous craignions tant auparavant, qui m'est apparue, alors, si frêle et si humaine.
Il m'en souvient, Madame, qu'à cet instant, vous étiez grande, aussi grande que le numéro tatoué sur votre bras.
Il m'en souvient, Madame, de votre dernière mise en garde :
" Votre génération devra craindre les discours prometteurs, sauveurs, enchanteurs
qui peuvent conduire au pire,
de tous horizons qu'ils viennent...
Restez toujours vigilants ! Votre vie en dépend."
MERCI, MADAME...
à la mémoire de Madame Castellano, surveillante générale du Lycée Antoine Charial, Lyon 3e.
Réalisation Alain Resnais
Texte Jean Cayrol
Musique Hanns Eisler