Chacun pour soi...
L'air est suave, le soleil est chaud, nos chevaux vont vite; les jeunes blés couvrent les terres d'un tapis déjà épais, mais à travers lequel on aperçoit encore le sol rougeâtre. Grâce aux reflets du soleil bas qui, en cette saison, caresse de plus près, c'est un revêtement de velours riche sur la plaine toujours mollement ondulée de notre vallée noire. Une légère vapeur argente les lointains. Dans les creux inondés, chaque sillon est un miroir ardent. Des volées de corbeaux, recevant le point lumineux sur leur plumage lisse, brillent aussi au soleil comme des escarboucles. Des pies affairées fouillent brusquement les mottes de terre mouillées, et se disent avec aigreur des choses malséantes à propos d'un fétu. Chacun pour soi, c'est le mot des partis.
George SAND
Impressions et souvenirs