Enfance III
Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous
fait rougir.
Il y a une horloge qui ne sonne pas.
Il y a une fondrière avec un nid de bêtes blanches.
Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.
Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis,
ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.
Il y a une troupe de petits comédiens en costumes,
aperçus sur la route à travers la lisière du bois.
Il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui
vous chasse.
Arthur RIMBAUD
(Illuminations)
Promenade de Picasso
Sur une assiette bien ronde en porcelaine réelle
une pomme pose
Face à face avec elle
un peintre de la réalité
essaie vainement de peindre
la pomme telle qu’elle est
mais
elle ne se laisse pas faire
la pomme
elle a son mot à dire
et plusieurs tours dans son sac de pomme
la pomme
et la voilà qui tourne
dans une assiette réelle
sournoisement sur elle-même
doucement sans bouger
et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz
parce qu’on veut malgré lui lui tirer le portrait
la pomme se déguise en beau fruit déguisé
et c’est alors
que le peintre de la réalité
commence à réaliser
que toutes les apparences de la pomme sont contre lui
et
comme le malheureux indigent
comme le pauvre nécessiteux qui se trouve soudain à la merci de n’importe quelle association bienfaisante
et charitable et redoutable de bienfaisance de charité
et de redoutabilité
le malheureux peintre de la réalité
se trouve soudain alors être la triste proie
d’une innombrable foule d’associations d’idées
Et la pomme en tournant évoque le pommier
le Paradis terrestre et Ève et puis Adam
l’arrosoir l’espalier Parmentier l’escalier
le Canada les Hespérides la Normandie la Reinette et l’Api
le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus de Pomme
et le péché originel
et les origines de l’art
et la Suisse avec Guillaume Tell
et même Isaac Newton
plusieurs fois primé à l’Exposition de la Gravitation Universelle
et le peintre étourdi perd de vue son modèle
et s’endort
C’est alors que Picasso
qui passait par là comme il passe partout
chaque jour comme chez lui
voit la pomme et l’assiette et le peintre endormi
Quelle idée de peindre une pomme
dit Picasso
et Picasso mange la pomme
et la pomme lui dit Merci
et Picasso casse l’assiette
et s’en va en souriant
et le peintre arraché à ses songes
comme une dent
se retrouve tout seul devant sa toile inachevée
avec au beau milieu de sa vaisselle brisée
les terrifiants pépins de la réalité.
Cette peste de fourmi
La cigale ayant pris plaisir
Toute sa vie,
Se trouva fort satisfaite
Á l'approche de son hiver
Pas un seul regret, ni remord
Pour froisser son front heureux.
Elle alla parler joyeuse
Á la jeune fourmi râleuse,
La priant de l'écouter
De comprendre et d'accepter
Ses conseils de bonne vie.
Je vous assure, lui dit-elle,
La vie est courte mais belle
A qui veut la vivre vraiment.
Mais la jeune fourmi est moqueuse;
C'est là sa seule fantaisie.
Que faisiez-vous au temps gris?
Dit-elle à cette enjôleuse.
Bleu ou gris par tous les ciels
Je riais, courageusement.
Vous riiez? Et la claquant,
Et bien! Pleurez maintenant!
11 août An XVI, pastiche de "La cigale et la fourmi" (Jean de La Fontaine)
Dessin d'après l'illustration originale de Calvet-Rogniat
Le Soleil-Roi
.../...
«Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants?
Dirent-elles au Sort: un seul Soleil à peine
Se peut souffrir. Une demi-douzaine
Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite;
.../...
Jean de LA FONTAINE
Extrait "Le soleil et les grenouilles"
Peinture: "Le soleil et les grenouilles"_Marc Chagall
Il a écrit...
On tue un homme, on est un assassin.
On tue des millions d'hommes, on est un conquérant.
On les tue tous, on est un dieu.
Amitié
Les sourires s'illuminent
Et les coeurs se retrouvent
Les rires déjà dominent
La soirée qui s'entrouvre
L'air est tiède et soyeux
Et doucement appelle
Cet accord chaleureux
Qui nous est éternel
Le temps n'a plus de prise
Sur ce moment béni
Où nos âmes conquises
Se trouvent réunies
Il y a si longtemps
Que nous touchons ce rêve
Chaque fois étonnant
De son aimable trève
Il ya si longtemps
Que nous nous attachons
Inéluctablement
Heureuse est notre union.
Plaisir de juillet
Il fut un temps charmant
Où enfant je marchais
Sur le sol caillouteux
Du nommé "le p'tit ch'min"
Il m'emmenait heureuse
Vers le bois dit "d'en bas"
Où je savais trouver
Les joies de l'aventure
Il s'enfonçait parfois
A travers des buissons
Qui me semblant immenses
Me rendaient courageuse
Des racines effleuraient
La terre souvent humide
De gros morceaux de roche
Maltraitaient mes chevilles
Il montait, descendait
Virait, se redressait
J'en connaissais les moindres
Coins d'ombre et de lumière
Il longeait des enclos
Il côtoyait des haies
Et s'ouvrait tout à coup
Sur le ciel bleu et chaud
Alors je m'arrêtais
Avant de pénétrer
Dans la fraîcheur du bois
Obscur et mystérieux
Prolongeant le plaisir
De respirer l'odeur
Suave et ennivrante
Des foins coupés.