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Lloas
14 juin 2016

Et ils sont...

À la cour, à la ville, mêmes passions, mêmes faiblesses, mêmes petitesses, mêmes travers d'esprit, mêmes brouilleries dans les familles et entre les proches, mêmes envies, mêmes antipathies. Partout des brus et des belles-mères, des maris et des femmes, des divorces, des ruptures et de mauvais raccomodements ; partout des humeurs, des colères, des partialités, des rapports, et ce qu'on appelle de mauvais discours. Avec de bons yeux on voit sans peine la petite ville, la rue saint-Denis, comme transportées à V** ou à F**. Ici on croit se haïr avec plus de fierté et de hauteur, et peut être avec plus de dignité : on se nuit réciproquement avec plus d'habileté et de finesse; les colères sont plus éloquentes, et l'on se dit des injures plus poliment et en meilleurs termes ; l'on n'y blesse point la pureté de la langue ; l'on n'y offense que les hommes ou que leur réputation : tous les dehors du vice y sont spécieux ; mais le fond, encore une fois, y est le même que dans les conditions les plus ravalées ; tout le bas, tout le faible et tout l'indigne s'y trouvent. Ces hommes si grands ou par leur naissance, ou par leur faveur, ou par leurs dignités, ces têtes si fortes et si habiles, ces femmes si polies et si spirituelles, tous méprisent le peuple, et ils sont peuple.

Jean de LA BRUYÈRE
(Les Caractères)

Extrait publié dans /Esprit XVIIe/ "La guerre des sexes"_Éditions Chêne  La guerre des sexes_Esprit XVIIe_Editions Chêne

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19 mai 2016

Tous les diables et tous les saints

Vu de là-haut, l'Auvergne était d'une beauté incomparable, avec tous ces volcans alignés comme une caravane de dromadaires. Et les sommets lointains que le barbu connaissait par leur nom et leur prénom, ainsi que de vieux amis : le Pariou, c'est-à-dire le Pareil ; le Louchardière, c'est-à-dire le Fauteuil ; le Chaudron, alias le Sarcoui, c'est-à-dire le Cercueil, parce que les anciens habitants fabriquaient des sarcophages avec sa substance ; plus près, le Nid de la poule, el Grand Suchet, le Petit Suchet. Il en avait plein la tête.
Le spectacle était si magnifique qu'ils se laissèrent surprendre par le crépuscule. Car il faisait encore jour sur le sommet alors que ses pieds trempaient déjà dans les ténèbres.
Ils redescendirent par le même chemin dont la faible blancheur les guidait. Jean Gabin cita un autre proverbe auvergnat : "Celui qui monte a tous les diables qui le retiennent. Celui qui descend a tous les saints qui le poussent au derrière."

Jean ANGLADE

(écrivain auvergnat)

  Editions France Loisirs   Le roi des fougères_Jean Anglade

23 avril 2016

La Seine a rencontré Paris

Image du jour 23 avril XVI

Qui est là
toujours là dans la ville
et qui pourtant sans cesse arrive
et qui pourtant sans cesse s'en va
C'est un fleuve répond un enfant
un devineur de devinettes.
Et puis l'œil brillant il ajoute
et le fleuve s'appelle la Seine
quand la ville s'appelle Paris
et la Seine c'est comme une personne
des fois elle court elle va très vite
elle presse le pas quand tombe le soir
des fois au printemps elle s'arrête et
vous regarde comme un miroir.
Et elle pleure si vous pleurez
ou sourit pour vous consoler
et toujours elle éclate de rire quand
arrive le soleil d'été...

Jacques PRÉVERT

                                                                                                          Photo: " Quai de Seine, 9h53..."_ François Vessella

Editions Folio_Gallimard  Choses et autres_Jacques Prévert

29 mars 2016

L'homme champignon

Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n'a jamais respiré une fleur. Il n'a jamais regardé une étoile. Il n'a jamais aimé personne. Il n'a jamais rien fait d'autre que des additions.
Et toute la journée il répète comme toi :"Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux !"et ça le fait gonfler d'orgueil. Mais ce n'est pas un homme, c'est un champignon!

Antoine DE SAINT EXUPÉRY

 

Le Petit Prince (Educational Édition)Le petit prince

25 mars 2016

Le chat

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu ;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.

Charles BAUDELAIRE

A la mémoire de Paline

Edition Livre de poche classique_Edition 1967

Les Fleurs du Mal_ Charles Baudelaire_ livre de poche classique 1967

 

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20 mars 2016

Le pot de fleurs

Parfois un enfant trouve une petite graine,
Et tout d'abord, charmé de ses vives couleurs,
Pour la planter, il prend un pot de porcelaine
Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.

Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge,
Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ;
Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge
Tant qu'il fasse éclater le ventre du vaisseau.

L'enfant revient ; surpris, il voit la plante grasse
Sur les débris du pot brandir ses verts poignards ;
II la veut arracher, mais la tige est tenace ;
II s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent aux dards.

Ainsi germa l'amour dans mon âme surprise;
Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps :
C'est un grand aloès dont la racine brise
Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.

Anthologie de la Poésie française,
Collection Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard

anthologie poésie la pléiade

23 février 2016

Dérisoire

Je ne suis pas cloué sur le plus absurde des rochers
Aucune prouesse ailée ne me visita jamais
De l'abîme aucun choeur ne monte vers moi
Si ce n'est parfois le hoquet d'une cargaison de naufragés

.../...

Aimé CÉSAIRE

_Extrait_

La Poésie (Editions Le Seuil) La poésie_Aimé Césaire

 

19 février 2016

Lorsque l'enfant paraît

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Victor HUGO

Pour petit Sasha,

_Extrait_

Les feuilles d'automne_Editions Poésie, GallimardLes feuilles d'automne_Victor Hugo

 

15 février 2016

"...il m'avait oublié,..."

Je vais d'un pupitre à l'autre : ils sont vides — on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé.
Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d'un lézard, une agate perdue.
Dans une fente, un livre : j'en vois le dos, je m'écorche les ongles à essayer de le retirer. Enfin, avec l'aide de la règle, en cassant un pupitre, j'y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre :

ROBINSON CRUSOÉ

II est nuit.

Je m'en aperçois tout d'un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? — quelle heure est-il ?

Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien.

J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans  lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle et jusqu'au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l'île, et je vois se profiler la tête longue d'un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l'espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l'horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l'éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain...

La faim me vient : j'ai très faim.

Vais-je être réduit à manger ces rats que j'entends dans la cale de l'étude ? Comment faire du feu ? J'ai soif aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons frais ! Justement j'adore la limonade !

Clic, clac ! on farfouille dans la serrure.

Est-ce Vendredi ? Sont-ce des sauvages ?

C'est le petit pion qui s'est souvenu, en se levant, qu'il m'avait oublié, et qui vient voir si j'ai été dévoré par les rats, ou si c'est moi qui les ai mangés.

Jules Vallès

Extrait du roman "L'enfant" (Editions Livre de poche) L'enfant_Jules Vallès

13 février 2016

Feu d'artifice

man ray feu d'artifice_ les mains libres de Paul Eluard 1937

La rue fantastique est d'ici
Où ne s'effacent pas les ombres.

Dessin Man Ray

Mots Paul Eluard

Les mains libres_Man Ray- Paul Eluard

"Les mains libres"  Man Ray / Paul Eluard
Edition Jeanne Bucher, 1
937  

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