Sonnet pour Lyon _ à Maurice Scève*
Scève, je me trouvai comme le fils d'Anchise
Entrant dans l'Élysée et sortant des enfers,
Quand après tant de monts de neige tous couverts
Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise.
Son étroite longueur, que la Saône divise,
Nourrit mille artisans et peuples tous divers:
Et n'en déplaise à Londres, à Venise et Anvers,
Car Lyon n'est pas moindre en fait de marchandise.
Je m'étonnai d'y voir passer tant de courriers,
D'y voir tant de banquiers, d'imprimeurs, d'armuriers
Plus dru que l'on ne voit les fleurs par les prairies.
Mais je m'étonnai plus de la force des ponts
Dessus lesquels on passe, allant delà des monts,
Tant de belles maisons et tant de métairies.
Joachim DU BELLAY
_Les regrets_
*Maurice Scève est un poète humaniste de "L'École lyonnaise" / 16ème siècle