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Lloas
17 août 2017

...un bonheur indicible...

Jean Dolin était resté sans jamais connaître la douceur des livres, la caresse du papier, les rêves qu'ils enfantent, les horizons qu'ils ouvrent /.../

Un an plus tard, pourtant, il trouva un livre perdu sur une draille et regarda les images à l'intérieur avec des battements fous dans le coeur /.../

Et ce livre était devenu un trésor. On y voyait des rues de ville, des hommes en costume, des femmes aux robes légères, de grands immeubles lumineux, on y voyait la mer mais Jean ignorait ce que c'était. Ne sachant pas lire, ...il se demandait ce que pouvaient bien être ces signes - ces lettres, pauvre enfant - qui étaient celles d'un alphabet jamais appris /.../

Mais le trésor était resté caché dans la paille, et il l'ouvrait le soir, sous la lampe à saindoux, ébloui dans l'ombre, le serrait sur son coeur avant de s'endormir, ne le lâchait qu'au matin /.../

Il faudrait encore des années avant que les portes ne s'ouvrent devant lui, et non de sa propre initiative , mais de celle des gendarmes montés le chercher pour répondre à la feuille de route de l'armée que les vieux avaient jetée au feu /.../

A la caserne, les recrues n'en revenaient pas de découvrir un homme aussi nu, aux mains nues, au regard nu /.../

/.../jusqu'à ce qu'un homme se lève, un vrai /.../

__ Je m'appelle Julien Fabre. Je suis maître d'école. Tu peux compter sur moi. Je t'apprendrai.

Fabre lui fit raconter sa vie, là-haut, sans plaisirs, sans douceur, sans école, et les deux vieux, la bergerie, les nuages et le vent. Jean devina la colère de l'homme quand il parla du livre inutile, des images perdues, de sa vaine fuite, du renoncement.__Je t'apprendrai, répéta-t-il /.../

Un soir il sortit un livre de sa valise: non pas celui que Jean avait trouvé, mais un livre d'école pour ne pas l'oublier, la faire renaître en lui malgré la distance, continuer de vivre en quelque sorte. Jean fut étonné, subjugué: il en existait donc plusieurs?
__Bien sûr! dit Fabre. Des milliers.

De retour de manoeuvres, chaque soir, patiemment, il lui montra les lettres, puis les mots /.../

/.../le doigt désignait la lettre ou le mot pour l'apprenti, penché sur le trésor retrouvé, submergé d'un bonheur indicible qui faisait couler parfois sur la page une larme que Fabre feignait de ne pas remarquer.

Christian SIGNOL

Une-vie-de-lumiere-et-de-vent_Christian Signol

 

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Lloas a écrit...sur In Libro Veritas

j'aimerais tant
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